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Crack the Skye | chronique

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chronique Crack the Skye

album  : Crack the Skye
groupe : Mastodon
sortie   : 2009

+ chronique Mastodon
01- Oblivion
02- Divinations
03- Quintessence
04- The Czar
05- Ghost of Karelia
06- Crack the Skye
07- The Last Baron


Eprouvant mais génial  par  Glo

Soyons clairs, et soyons sérieux : QUI peut être pris d’une fureur acheteuse face à une telle pochette (je veux dire, parmi les tristes sires qui méconnaissent encore Mastodon même après leur (gros) Leviathan de 2004, leur (grosse) compile de bizarreries Call Of The Mastodon, et leur (2NORME PUTAIN 2NORME §§§) Blood Mountain en 2006) ? Même les plus perchés des groupes de prog’ des 70’ sont restés plus sobres. Un putain d’ours (notons au passage qu’il y a toujours un truc gros, sur les pochettes de Mastodon), deux putain d’icônes russes détournées, des yeux et des bouches éclairés comme un putain de 14 juillet, des symboles celtes/cabalistiques/supersayans/LSDéfoncés/whatever. WTF. Ceci étant, Troy Sanders avait annoncé la couleur, dans une interview pour Stereogum : « si tu veux, on s’est sanglés dans nos armures volantes et on s’est envolés loin de la Terre pour un bon bout de temps, puis on a mis la barre sur les éléments éthérés de l’univers et, tu vois, on a dormi sur le toit du monde un moment, pour trouver une perspective sur cet album. (…) Pour le dire simplement, on explore l’éther. On dissèque la matière noire qui domine l’univers, embarqués dans une coquille de noix ». D’accord. Putain de hippies.

MAIS nous ne sommes pas des niais à l’esprit oblitéré par une pochette immonde. Et nous savons ouïr autant que voir l’emballage. Écoutons donc.


L’impression d’ensemble donnée par cet album, dès la première piste mais surtout la seconde, est : OK, c’est du Mastodon. En un mot, c’est réussi : même souci de la déconstruction méthodique des rythmes (le binaire et le 4/4, c’est pas pour ces gens-là), même attention portée aux ambiances, même démolition des clichés harmoniques du métal et du rock réunis. Du vrai progressif en diamant.

La production, extrêmement propre, reste proche de celle des albums précédents : le son est (assez curieusement, en fait) très uniforme, l’accent n’est mis ni sur les voix, ni sur les guitares, ni sur la basse, ni sur la batterie qui sonne, comme les autres parties, comme un instrument mélodique à part entière ; le son de l’album est un tissu, uniforme. On regrette presque de l’écouter autrement que sur des enceintes de monitoring, pour mieux profiter de la texture.

Les voix, d’ailleurs, évoluent un tantinet par rapport à Sleeping Giant mais surtout à Leviathan : le growl massif de Scott Kelly (de Neurosis), invité systématique, n’apparaît ici que sur le titre éponyme. Le reste de l’album est un tissage des voix plus ou moins claires de Troy Sanders, Brent Hinds et Brann Dailor, entre l’épure, parfois, et une beuglante de power métal parfois (une voix comme si Lemmy avait appris à moduler).

Pour ce qui est des guitares, elles varient, dans une structure multicouche à faire pâlir d’envie n’importe quel aquarelliste, entre le saturé qui crache, le grincement de fer blanc hyper précis (LE son Mastodon, pour moi), presque un son de sitar électrifié, et le son clair assez banal même, dans certains solos ; la basse résonne comme un dix-huit roues Kenworth chargé de buffles, et quant à la batterie, Brann Dailor reste fidèle à lui-même, en mieux : de bout en bout, en gros, il est en solo. Cinquante minutes de solo accompagné. Jamais de temps de repos. On note un mellotron, heureux, ainsi qu’un banjo, moins heureux, dont il sera question plus loin.

Les titres, à présent. Deux manières de parler des titres de l’album : soit on simplifie en résumant l’essentiel sur chacun, soit un pond une thèse sur chacun, 1000 pages bien pesées. Choisissons la réponse A. La première critique négative (et subjective) peut porter sur le premier titre, Oblivion. Sur des textes qui eussent été fort seyants pour un blues inspiré, Mastodon nous sort un machin assez fade et terne au vu du reste de l’album et, qui pis est, sans grande surprise. L’intro en particulier me fait penser à un maçon qui monte son échafaudage ; puis on part sur du zarbe fort peu pêchu (c’est le moins qu’on puisse dire), mal servi par des voix plates. L’impression de construction est nette, et regrettable. On voit les fils. Pas de surprises. Trop propre. Mauvaise impression hélas empirée par l’arrivée, en intro de Divinations, d’un banjo (hein ? Mais ? Putain ? Pourquoi un banjo ?) qui passait par là et s’en va aussi vite qu’on l’a haï. En revanche, là, AH. LA voix Mastodon, les altérations Mastodon, la démolition de cymbales et de charleston Mastodon, et ça GROOVE. Bien. On tourne, et Quintessence arrive, avec son énorme phallus lyrique dès les premières notes. Casse-tête rythmique, riff de départ gigantesque (ça m’a fait penser à Sleeping Giant pour ma part), textes aussi spatiaux que la musique. Et, et, eeeeeeet ; et BLARF. The Czar est là, monumental comme un Pink Floyd dans les sons de mellotron du début, générateur de transes comme une piste d’Electric Wizard en version smooth dès l’arrivée des voix et de la gratte, un lyrisme à faire des spasmes de la colonne vertébrale dans tous les coins de la pièce, ce BORDEL de mellotron, une progression harmonique suffisamment prévisible cette fois pour te maintenir dans ta transe, PUTAIN. Le titre de l’album. AAAH. Avec évidemment la cassure de ton et de tout nécessaire, au tiers de la chanson, pour un passage groovy, puis BLARF, second service, mellotron, tes poumons qui pètent, l’emphase lyrique qui revient. On oubliera simplement le solo de gratte, fortement inutile. Après ça, on est assis, on attend et on accepte, c’est bon, la victoire est acquise. Ghost Of Karelia et l’éponyme Crack The Skye (en hommage à la sœur défunte de Dailor, Skye) sonnent tout bonnement comme de l’excellent Mastodon, particulièrement écoutable quoique particulièrement construit et sans cesse à la rupture. Quant à la piste finale, The Last Baron, c’est une mise à l’épreuve des sens (au bon sens d’épreuve). Eprouvante comme un coït qui se prolongerait sans cesse, de boucle en boucle, de rupture en rupture. Après chaque boucle, après chaque motif, la place est laissée pour une de ces fuites dans l’exaltation comme, une fois encore, un Pink Floyd, ou pourquoi pas un Beethoven, en ont le secret ; mais on est chez Mastodon, et la fuite se fait en avant, vers un autre motif, une autre boucle, une autre ambiance, du prog mélodique au gros lourd, du gros lourd au jazzy, du jazzy, au gros power tendu, puis une fausse fin, et le grand retour du lyrisme qui t’explose les bronches…

Une légère faute de goût pour la fin ; l’album commun se termine par les deux premières pistes en version instrumentale (la version collector 2009 propose l’intégralité de l’album en instrumental), nettement inutiles étant donné le statut du chant. Comme si on ajoutait une piste sans le second violon à un quatuor, pour faire plaisir à l’auditeur. Mais bah.

Bref ; s’il fallait formuler une dernière critique, à ma connaissance Mastodon ne sait pas jouer autrement que tendu au maximum. Jamais de repos dans cet album, du début à la fin. Conséquence : on finit en queue de poisson, épuisé, et incapable d’écouter le moindre son autre que le silence d’un oreiller réfrigéré au préalable, en espérant que la fraicheur arrivera vite jusqu’au cerveau. Musique éprouvante ; mais musique géniale. Au vrai sens de géniale. Achetez-moi ça, tas de putes, ça fera partie des trucs que vous ferez écouter à vos petits-enfants en leur disant « de mon temps, on écoutait de la vraie musique ».

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