Free Webzine Metal | ZoneMetal.com

zonemetal > chroniques > Coroner > Grin

Grin | chronique

acheter cet album
chronique Grin

album  : Grin
groupe : Coroner
sortie   : 1993

+ chronique Coroner
01- Dream Path
02- The Lethargic Age
03- Internal Conflicts
04- Caveat (To The Coming)
05- Serpent Moves
06- Status: Still Thinking
07- Theme For Silence
08- Paralized, Mesmerized
09- Grin (Nails Hurt)
10- Host


Sublime choc  par  Space Ritual

J’ai longtemps hésité avant de me lancer dans la rédaction de cette chronique tant il m’est difficile de décrire avec justesse les émotions que me procure cet album. Plusieurs fois j’y ai songé avant de toujours y renoncer. Une chronique doit toujours refléter le point de vue de son auteur mais force est de constater que la subjectivité d’un avis, d’une pensée doit trouver sa limite raisonnable quand elle est partagée. Car si je laissais mon enthousiasme s’envoler, je vous parlerais sûrement du meilleur album de métal qu’il m’est été donné d’écouter. Je sais bien que ce n’est pas exact, la notion de meilleur n’existant pas dans le monde artistique. Pourtant, je l’avoue bien volontiers, Grin a posé pour moi de nouvelles bases esthétiques.

Je n’ai pas connu Coroner par cet album mais par No More Colors, autre merveille de Techno Thrash qui faisait jusque là référence dans la discographie des Suisses. Je découvrais alors ce style mêlant l’agressivité et la vitesse d’exécution du Thrash Metal couplé à une technique virtuose. Mais, au-delà des prouesses instrumentales, c’est par la diversité des ambiances développées que cette musique me captivait. Certes, nous parlons de musique violente, sombre, abordant les travers de l’humanité par le biais d’un art que la majorité de la population ne reconnait pas comme tel. Là est justement l’aspect captivant de la démarche de Coroner, éveiller les sentiments de l’auditeur par des éclairs lumineux au travers d’une musique dure, froide, qui ne laisse pas de place à l’espoir.

Cet album est l’aboutissement des idées développées par le groupe depuis 1986. Puisant leurs inspirations dans les groupes Thrash de la « Bay Area », Ron Royce (chant, basse), Marky Edelmann (batterie) et Tommy Vetterli (guitare) apportent une construction complexe à leurs compositions sans que celle-ci ne prenne jamais le pas sur la cohérence de l’ensemble, s’éloignant dès lors des groupes à la démonstration facile et nocive. Au fil des albums, Coroner affine sa personnalité, ralenti le tempo et part à la recherche d’ambiances de plus en plus mystiques, se bâtissant un monde unique. Grin est en cela un album inespéré car il symbolise la recherche artistique pure, débarrassée de tout carcan.

Dream Path ouvre l’album par une douce et sournoise musique tribale parsemée de percussions et de DJ-Ridou laissant percevoir l’ouverture d’esprit dont le groupe fait preuve. Rien de grossier et parfaite introduction à Lethargic Age, la première véritable pièce de ce disque. Ce qui frappe, c’est que nous avons droit à une composition très épurée, d’une simplicité évidente, qui ne veut pas se dévoiler au premier abord, donnant le ton pour le reste de l’album. Pas d’accélération intempestive ou de débauche instrumentale cherchant à épater l’auditeur, juste une composition réfléchie qui cherche à développer une atmosphère collant aux textes évoquant le repli sur soi, le regret, la folie. Les minutes passent et l’on sent que cette musique n’est pas comme les autres car elle semble insaisissable, les musiciens jouent sur de subtils contretemps.

Marky Edelmann et Ron Broder tissent une toile sur laquelle s’exprime en toute liberté ce génial guitariste qu’est Tommy Vetterli. Les solos qu’il délivre, ponctuant chaque morceau, laissent pantois d’admiration. Ce musicien doté d’une inventivité et d’une technique rare saurait presque faire parler sa guitare, véritable vecteur d’émotions. La prestation délivrée sur Internal Conflicts est éblouissante ; c’est par lui qu’arrive la lumière, la touche d’espoir perçant dans une spirale infernale de tristesse. Le tapping qu’il délivre sur ce morceau vous transporte. C’est beau, tout simplement.

Caveat (To the Coming) est introduit par une guitare aux accents cristallins parcourus de cris d’enfants en train de jouer, de vivre. Magnifique évocation d’une jeunesse regrettée, nostalgie passagère brisée par un refrain d’une terrible noirceur. Serpent Moves poursuit dans cette voie. D’une qualité de composition exceptionnelle, ce morceau, traversé par un solo renversant de Vetterli, possède une construction rythmique jouissive. La voix de Broder y est redoutable de puissance. Status : Still thinking prolonge le plaisir d’un album qui ne possède aucun temps mort. Passé un court et calme interlude évoquant les bruits des forêts profondes, Paralized, Mesmerized reprend le cours infernal de cette descente aux enfers. La voix de Ron Broder, tour à tour calme, plaintive et menaçante colle parfaitement au propos.

La fin de l’album est proche et pourtant, le meilleur reste à venir. Le morceau éponyme est juste bluffant. Partant d’une construction alambiquée, l’ambiance – à la fois mystérieuse et dérangeante - s’installe doucement toujours à l’aide d’un Thrash ciselé jusqu’à la cassure rythmique constituant l’épilogue de ce titre. La batterie et la basse partent sur un mid tempo qui ne s’arrête plus, répétant les mêmes patterns à l’envie tandis que la guitare passe de rythmes syncopés à ambiances mystiques sans discontinuer. Le tout est captivant, l’auditeur est transporté loin, si loin. Cette phase pourrait durée une heure qu’on ne s’en plaindrait jamais. Le temps n’a plus d’importance et pourtant le trip est soudainement cassé par un sample de machine à écrire, retour à la réalité. Il aurait été facile de conclure l’album sur ce moment d’anthologie tant on y aurait rien trouvé à redire mais c’est bien Host qui sert d’épitaphe à ce voyage. Pièce terrifiante, servie par la basse volubile et la voix surpuissante de Broder, ce morceau nous entraîne aux confins de la mort et plus loin encore. A la colère succède le calme de quelques arpèges avant une reprise de tous les instruments, instaurée par l’apparition d’une magnifique voix féminine type Heavenly Voice évoquant le passage vers l’autre monde. Planant. Le rythme ralentit de plus en plus jusqu’à ce que l’on n’entende plus que les mouches tournant autours du cadavre. On ne peut alors s’empêcher de penser à celui du groupe. Dernière trouvaille et subtile allégorie.

Je n’ai pas parlé de la production et du mixage qui sont absolument irréprochables. Réussissant l’improbable alliance d’un son à la fois sec, feutré et puissant, cette œuvre n’a absolument pas vieillie et se bonifierait presque avec le temps. Rarissime.

Ce disque ne possède pas de faiblesse, pas de faute de goût, pas de baisse de tension. A aucun moment mon esprit ne s’égare durant l’écoute. Quand on est travaillé par la passion de la musique, on espère toujours que ce genre de rencontre se produise. Une œuvre qui bouleverse nos certitudes, une évidence, une révélation. Grin symbolise et sublime ce choc. Peu de groupe sont à ce point respectés tout en possédant ce statut culte qui sied à ceux qui n’ont pas rencontrés le succès de leur vivant. Terrible constat quand on songe à cet enregistrement indispensable.

+ r�agir [ 8 commentaires ]

Hit-Parade des sites francophones