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Thirteen Tales From Urban Bohemia | chronique

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chronique Thirteen Tales From Urban Bohemia

album  : Thirteen Tales From Urban Bohemia
groupe : The Dandy Warhols
sortie   : 2000

+ chronique The Dandy Warhols
01- Godless
02- Mohammed
03- Nietzsche
04- Country Leaver
05- Solid
06- Horse Pills
07- Get Off
08- Sleep
09- Cool Scene
10- Bohemian Like You
11- Shakin'
12- Big Indian
13- The Gospel


Nietzsche Gets Off  par  Doc

Les Dandy Warhols sont avant tout une sorte de ressurection. Les Dandy Warhols c’est le rock dans son état le plus pur. C’est l’addiction totale et violente à toutes les drogues, c’est le sexe à profusion, c’est l’arrogance de refuser le star-system et le commercial, c’est le mystère de la simplicité irréfléchie qui côtoie l’obscurité délirante. Les Dandy Warhols sont une forte de groupe déphasé qui aurait plus sa place dans les années 60-70 aux côtés des Rolling Stones et de Pink Floyd qu’aujourd’hui. Mais comme ils sont bel et bien là aujourd’hui, ils ont recommencé la révolution rock dans un univers musical stérile et normalisé. Je vous conseille évidemment le film Dig!

Parmi leur nombreux albums, le premier à avoir véritablement cartonné c’est évidemment Thirteen Tales (explication du titre facile : il y a treize pistes et pour le « urban bohemia » : le groupe vient de Portland, une ville américaine sordide). Sans qu’on puisse vraiment parler d’un album concept, toutes les musiques s’enchaînent : l’ambiance ou le rythme d’un morceau commence à la fin du morceau précédent.

Le disque embraye avec Godless, petit rock typique des Dandy Warhols, bizarrement foutu. La musique du groupe se caractérise par un son assez crade, les morceaux donnent une impression de confusion. On entend à peine certains instruments, ceux qu’on entend distinctement ont un son étrange. Avec une écoute attentive, difficile de dire combien il y a de musiciens et parfois même sur quels instruments ils jouent.
Autre caractéristique des Dandy Warhols qu’on note dès Godless : les cuivres. Leurs albums sont toujours parsemés de trompettes en tout genre. L’assemblage de tous ce mix donne une ambiance toujours très mélodique et pourtant le rythme est très présent. Une très bonne piste.

Le morceau suivant, Mohammed, est encore plus étrange. Une petite mélodie à la guitare accorcheuse, des chants bizarres, une grande partie instrumentale aux vagues accents orientaux. Comme pour Godless, les paroles, assez obscures, sont rapidement philosophiques.

Elle le sont plus clairement dans Nietzsche, troisième morceau : les paroles consistent en la répétition de : « I want a God who stays dead, not plays dead. I, even I, can play dead ». Cette sobriété des paroles contrebalance l’arrogance, que beaucoup de critiques ont dénoncée, de vouloir faire une musique sur Nietzsche. Il faut le prendre au second degré, une grosse blague qui en est à peine une. La musique elle-même est extrêmement bien faite. Le chant s’étale sur un rock traînant, là aussi, très sale. L’un de mes morceaux préféré.

On enchaîne avec une grosse rupture par rapport aux trois premiers morceaux qui s’enchaînaient tous seuls. C’est là qu’on voit la dimension progressive du groupe, car on n’enchaîne avec rien de moins qu’un morceau country, totalement ridicule, et voulu ainsi. On entend les bruits de la ferme derrière (poules, chevaux, paysans etc). Country Leaver, ça c’est la blague made in Dandy Warhols, on s’y attend pas du tout. Les paroles sont complètement idiotes. Le morceau annonce qu’on va passer à totalement autre chose dans le reste du disque.

La musique suivante est aussi bien déjantée. Solid a un dimension vieux jeu : vieux claviers, chant mal mixé, guitares au son merdique. « Well, it´s a brand new day and I´m walking around old town. I feel cool as shit, because I got no thoughts keeping me down. I´m thinking bla-bla-de, bla, bla ».

Et on arrive à Horse Pills. Un autre gros morceau du disque, qui rejoint Nietzsche parmi les morceaux qui ne décrochent pas de mon esprit depuis la première fois que je les ai entendus. Un hard rock dégueulasse avec un chant (Courtney Taylor, au fait, je ne l’avais pas précisé, le leader du groupe) presque parlé. Un espèce de réveil matin à la guitare fait l’intro. Tout est sale dans la musique, c’est parfait. Totalement dingue. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, on m’accordera qu’il n’y a pas deux morceaux comme celui-là. A l’écoute des paroles, on comprend mieux. C’est un gros délire de drogué (horse-sized pills : une dose de cheval de pillules) qui tourne autour du sexe avec plein de jeux de mots (baiser comme un cheval…). Les paroles énumèrent tous les mots en « ills » pour les faire rimer sans qu’il y ait le moindre rapport. Bref un morceau énorme.

Et comme on n’en reste pas là, le suivant est une petite bombe aussi. Rock ultra rythmé, plus classique, Get Off reste dans la tête aussi. C’est d’ailleurs très simple à jouer (sur guitare acoustique) et très jouissif. Je l’ai d’ailleurs chanté avant de comprendre le sens des paroles. « Get off », expression vulgaire, c’est être excité à fond, et par extension avoir un orgasme (vous voyez la métaphore : « get off », quelque chose qui sort de soi, allez soyons vulgaires : « gicler » en gros). “All I wanna do is get off, and feel it for a minute, babe […] Baby, come on, yeah. If you have a hard time getting there […] And feel it for a minute like a real big thing, again”. Encore plus jouissif comme morceau. Le clip, dans un bar à putes Texan, a connu un petit succès. Mais ils en ont fait des mieux.

La musique suivante je la voie comme un enchaînement, le calme après la tension sexuelle : Sleep. Paroles très simples (presque entièrement répétition de « If I could sleep forever ») petits arpèges doux, voire carrément endormants après l’excitation extrême des deux dernières musiques. Il y a même un petit côté psychédélique et une dimension infinie (« sleep forever ») avec cet entrelacement de guitares et de voix qui rappelle celui des corps amoureux après l’acte (le couplet : « Well, I could sleep forever, but it´s of her I dream. »). Effectivement on est comme plongés dans un rêve.
Ok, ok, j’arrête là mon analyse freudienne de trottoir. En tout cas un morceau d’apparence très simple mais très symbolique, plein de force.

Avec Cool Scene et Bohemian Like You on entre dans un rock typique des Rolling Stones. Ce dernier morceau est le hit de l’album. Très simple mais carrément efficace, ça fait penser aux plus grands tubes des Stones, avec les ooh-ooh datant de quand il n’y avait pas de claviers pour faire des harmonies. Les Dandy Warhols montrent qu’ils ont assimilé le meilleur de la bohème urbaine (pas seulement les Stones, on ressent aussi l’influence d'Iggy Pop ou de Lou Reed) et le recrachent à leur sauce. Ce sont les deux musiques les plus propres du disque. C’est fait dans l’intention de réussir, de crever le plafond, de vendre. C’est ça aussi le rock. Les Dandy Warhols exploitent à fond le fait de faire des musiques longues et dingues et des morceaux courts et accrocheurs (cf la chronique de Odditorium).

Le clip de Bohemian Like You montre (approuve et caricature) des hippies des années 60 en pleins fantasmes sexuels (désolé de remettre ça j’y peux rien). On voit des jeunes déshabiller mentalement puis réellement d’autres jeunes. La version non censurée est hilarante, je vous la conseille très fortement. Un bon moment.

Shakin’, onzième piste, a aussi des accents Rolling Stones. Rock sympa, assez sombre, limite psychédélique. C’est assez proche de choses genre White Stripes en moins esthétisé.

Big Indian est une petite ballade peu originale dans la musique, plus intéressante par le chant. Taylor est le genre de chanteur qui sait se déphaser, chanter contre le rythme, mais aussi épouser le mouvement d’une musique. Ce morceau tord le coup aux persifleurs accusant Taylor d’être le plus mauvais chanteur actuel : s’il lui arrive de chanter n’importe comment, c’est exprès. Il s’en fout du résultat. Et il se marre en lisant les chroniques acides qu’on fait de lui. Taylor est un homme très énigmatique, difficile à cerner, capable du meilleur comme du pire, du plus intelligent au plus stupide. Un petit Janus.

Pour revenir à Big Indian, les paroles sont plutôt optimistes, assez encourageantes. Elles traduisent la confiance du rock en lui-même. « Well, The future is frightening The future is frightening, But I feel fine. »

Et enfin, pour clôturer le disque, The Gospel est une autre ballade, plus ancrée dans la musique hawaïenne que Noire. Une belle clôture, qui se propose de nous ramener à la maison. « Home, I will take you there. Oh, home, I will take you there. » Sorte de conclusion à la “voilà c’est fini, vous pouvez éteindre votre téléviseur et reprendre une activité normale”.


The Dandy Warhols attirent sur eux soit la plus profonde haine, soit l’adoration la plus passionnelle. Depuis leurs premiers albums, je fais parti des seconds. Malheuresement les premiers sont plus nombreux. Et l’arrogance suprême du groupe c’est de s’en foutre complètement, de jouer mal à leur concert, de continuer à sortir des albums que les chroniques soient bonnes ou non. Bref, c’est l’esprit même du rock. Ils ne cherchent à plaire. Voyez Motörhead : « on n’est pas là pour vous plaire, mais pour vous botter le cul », c’est un esprit désinvolte semblable qui anime les Dandy Warhols. Courtney Taylor fait office de saltimbanque dépravé et scandaleux, comme Lemmy, comme les Rolling Stones dans leur époque décadente.

En tout cas il est peu de gens que leur musique laisse indifférent.

A l’image de leur nom même, les Dandy Warhols c’est une grosse blague bien sale bien délirante, mais aussi vaguement intellectualisante, un rien moqueuse, obscur ou facile d’accès, sérieux et idiot à la fois, arrogant et simple dans le même temps. La plupart des gens qui haissent le groupe ne l’ont pas compris : ils l’ont pris au premier degré et ont été choqués. Un album des Dandy Warhols c’est comme un film de Woody Allen (rapprochement inutile, je sais) il faut le prendre au trentième degré, comme un livre de Nietzsche aussi, sinon on le reçoit en pleine gueule et forcément ça ne plait pas.

Et cela, Taylor l’a consciemment voulu.

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